Femmes de marins de Brière
Nous sommes au XVII° et XVIII° siècle en Brière.
Dans les îles qui constituent la paroisse de Montoir, les plus proches de la Loire, les flots s'engouffrent deux fois par jour, au gré des marées. Les hommes sont marins de commerce et partent pour des durées variant de 8 jours pour le petit cabotage, jusqu'à 2 ans et plus pour le commerce triangulaire. Cette activité très lucrative consiste à livrer des marchandises de valeur en Afrique, en échange de jeunes nègres, négrites et négrillons qui sont déportés aux Antilles, afin d'assurer les besoins des plantations en main d'œuvre servile.
Les îles de Brière sont alors peuplées de femmes, d'enfants et de vieillards invalides qui tentent de survivre, en complète autarcie.
Les femmes ? Elles sont filles, sœurs, épouses ou mères de marins, elles s'appellent Marie, Jeanne, Péronnelle ou Anne, et leurs patronymes se mêlent entre les MOYON, les AOUSTIN, les MAHE, les OLIVAUD, les VINCE ou les HALGAND. Si elles respectent une endogamie assez stricte entre îliens qui a perduré bien au-delà de la Révolution, les mariages consanguins restent exceptionnels.
Lorsqu'un couple se marie, le mardi pour 90 % d'entre eux, car le poids de la superstition s'ajoute aux interdits de l'Eglise, l'épousée s'installe dans une pièce bâtie dans le prolongement de la chaumière de ses parents, et dès qu'elle est mère, elle devient le chef de toute sa famille. L'intérieur de la maison comme les vêtements sont très sobres, et il serait difficile de différencier le logement et la tenue d'une femme de matelot de ceux d'une épouse de capitaine. L'ardoise laissée chez le meunier est un signe plus probant pour apprécier la différence sociale. La seule richesse observable est la présence d'Indiennes, ces magnifiques tissus peints fabriqués à Nantes et proposés comme monnaie d'échange contre des esclaves en Afrique, et dont quelques échantillons sont rapportés par les marins. Ces Indiennes ont d'autant plus de valeur que leur commerce est interdit en France, pour éviter toute concurrence avec les soieries de Lyon.
Reconstitution Brièronne et Indiennes au Musée
Femmes solidaires, elles se regroupent au centre de leur île, sur la gagnerie, pour travailler la terre, cultiver les céréales, les légumes, la vigne, le lin, le chanvre, entretenir les ruches.
Elles recueillent en Brière mottière, avec leurs enfants et les communautés de voisins, la tourbe qui va permettre d'assurer le chauffage et la cuisson. Avec le chaland collectif, qu'elles propulsent à la perche, elles mènent sur les terres indivises leur unique vache laitière, ou se livrent à la pêche aux anguilles ou au piégeage des volatiles sauvages. Elles domestiquent les canards, et le soir venu, elles tricotent, filent et cousent pour confectionner les vêtements familiaux. Grâce à la solde des marins, elles investissent chez le notaire, ou traitent des contrats d'échanges de terre pour optimiser leurs cultures
Femmes cultivées, la moitié des épouses de marins sait signer, quand à peine un quart des femmes de paysans de la paroisse en est capable.
Signatures de Femmes de Brière
Trop tôt privées de leur mari ou de leurs fils, car plus de la moitié des marins morts en mer n'ont pas 26 ans, et un tiers ont entre 26 et 35 ans, elles s'en remettent à Dieu, et continuent leur vie de labeur, tout en s'organisant entre elles pour défendre leur curé, lancer des souscriptions afin de fonder des chapelles, former des communautés actives de sœurs du tiers-ordre.
Femmes militantes, elles sont capables, comme en 1774, de réunir 400 d'entre elles pour s'opposer au représentant du roi, venu afficher le projet d'assèchement des marais qui portait atteinte à leurs droits coutumiers.
Femmes citoyennes, 5 épouses et une veuve de marins ont été signataires du cahier de doléances de Montoir, alors que pour certaine, le mari, classé hors service, était à la maison. C'est, avec les 8 veuves de marins de la Chapelle-Launay, le seul cas de femmes engagées auprès des hommes dans le comté nantais.
Femmes fidèles à leurs idées, certaines, parmi les très pauvres, ont préféré perdre leur pension de veuvage plutôt que de jurer fidélité à la République.
Telles sont les femmes de marins Briérons
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