Les Forges de Trignac
A la fin du XIXème siècle, Trignac est un village dépendant de la commune de Montoir, et qui compte quelques centaines d’âmes (319 au recensement de 1873).
La société des mines de Fer de l'Anjou (1879-1890)
C’est à cet emplacement que la « Société des mines de Fer de l’Anjou » décide en 1879 de créer les forges de Saint Nazaire. Les terrains marécageux ne favorisent pas l’implantation, et la production ne démarre réellement qu’en septembre 1882, l’effectif étant de 1034 ouvriers. Il atteindra son maximum, 2034, en juin 1884. C’est alors la deuxième, industrie du département après les chantiersnavals nazairiens En 1887, l’usine emploie encore plus d’un millier d’ouvriers, mais la concurrence avec la sidérurgie du nord et de l’est (Denain, Anzin, Longwy..) est vive
Usines Métallurgiques de la bassse Loire.
La société des Aciéries, Hauts-fourneaux et forges de Trignac (1890-1910)
La baisse du prix de l’acier oblige la société, dix ans après sa création, à déposer son bilan. En 1890, de gros actionnaires, dont Penhoet et la Loire, rachètent pour 2 500 000 F les forges qui prennent le nom de « Société des Aciéries, Hauts-fourneaux et Forges de Trignac » L’usine se spécialise dans la fabrication des fontes fines. Deux hauts-fourneaux d’une capacité de 300m3 chacun peuvent fournir en 24h 100 à 130 tonnes de fonte. (Un troisième sera allumé en 1894). Quatre batteries de 32 fours à coke fournissent journellement 250 tonnes. Les fontes produites sont transformées en aciers avec des procédés différents selon les produits : - acier Martin utilisé pour la fabrication des tôles nécessaires à la construction navale nazairienne. - acier Bessemer qui sert à la fabrication des rails (dont ceux du métro de Paris).
On fabrique également des fers U, T et des profilés. Le minerai est importé d’Espagne, le charbon des mines du Kent en Angleterre, le calcaire provient d’Erbray près de Chateaubriant.. Sur le port de Saint Nazaire, un quai spécial permet le déchargement et est relié par voie ferrée aux forges
Maquette d'un haut-fourneau de la Société des aciéries et forges de Trignac (1892)
Du berceau jusqu'à la tombe.......
Pour faire fonctionner cette gigantesque usine, il a fallu accueillir une main d’œuvre abondante .Si les ingénieurs, contremaîtres et personnels de la maîtrise sont issus des centres industriels de Belgique, du nord et de l’est, également de la région de Saint Etienne, la grande majorité des travailleurs provient du monde rural, venant de la Brière proche mais surtout du Morbihan, des campagnes de la Loire Inférieure et des départements proches. Le petit village de Trignac va se transformer rapidement. On compte 1786 habitants en 1886, 1949 en 1891 et 2347 en 1896 !
Il faut loger tous ces ouvriers et leurs familles. Le système paternaliste que l’on trouve déjà dans les grands centres miniers et sidérurgiques français se met en place à Trignac. A ces déracinés, qu’il faut retenir près de l’usine, on offre un logement avec bien souvent un lopin de terre, élémentde transition entre le monde rural qu’ils viennent de quitter non sans déchirement, et leur nouvel espace de vie. Il est bon pour le patron de loger ses ouvriers à proximité immédiate du lieu de production, dans des logements appartenant aux Forges, car c’est en plus un moyen de pression énorme en cas de conflit : c’est ce qui se passera en 1894 lors de la grande grève, la direction de l’usine menaçant les ouvriers d’expulsion dans les huit jours s’ils ne reprenaient pas le travail.
A partir de 1907, le train du Morbihan surnommé " le tortillard", transporta chaque jour des milliers d'ouvriers briérons vers les forges et les chantiers navals. Il a fonctionné jusqu'en 1947.
Ce système est non seulement une idéologie, mais également tout un mode d’organisation de la vie ouvrière hors de l’usine. Les philanthropes de la première moitié du XIXème siècle y voient d’ailleurs un instrument de police sociale. Il faut retenir la main d’œuvre ouvrière sur place au plus près de l’entreprise et lui proposer des activités comme les jardins ouvriers qui lui donneront d’autres occupations que les cabarets et la prostitution. Dans les grandes usines comme Schneider au Creusot, ou De Wendel en Lorraine, on a coutume de dire que l’entreprise prend en charge l’ouvrier « du berceau jusqu’à la tombe ». Trignac est une illustration parfaite de ce fonctionnement. Dans le domaine social, on assiste à la création de multiples œuvres d’assistance, telles que les secours aux nécessiteux, ou la « goutte de lait » qui distribue du lait stérilisé aux nourrissons. Des caisses de retraite ou d’assurance décès sont créées. Les forges subventionnent les associations de prévoyance, installent un restaurant coopératif, encouragent les sociétés sportives, particulièrement le rugby, construisent une salle des fêtes….et créent même, (sans grand succès il est vrai) leur propre coopérative de consommation destinée à concurrencer la coopérative ouvrière.
A l'écart du bruit et des fumées des forges, la cité des 40 logements accueille les chefs d'équipes
Usines Métallurgiques de la Basse Loire (1910-1925)
La société des Forges de Trignac poursuit son activité en cette fin de XIXème siècle non sans difficultés. Les difficultés de production conjuguées au marasme dans la construction navale font chuter la production d’environ 30%. En 1905, les forges sont louées à une nouvelle société qui prend le nom d’ « UMBL » (Usines Métallurgiques de la Basse Loire) et qui rachète l’ancienne société en 1910 (non sans réaliser de gigantesques profits). Ses objectifs sont de moderniser les installations et d’exploiter des matières premières de proximité. On modernise l’aciérie Thomas, on met en place une nouvelle aciérie Martin pour les besoins de la construction navale (le paquebot France est en chantier) etc.…
Aciéries, Hauts-fourneaux et Forges en 1907
Si le charbon provient encore en grande partie du Kent, on ouvre les mines de Faymoreau, et on commence d’exploiter le minerai de fer de Segré. A la veille de 1914, les UMBL sont en pleine prospérité. Le 31 mars 1914 Trignac est érigée en commune. Au sortir de la guerre, les difficultés de la construction navale entraînent un fort ralentissement de l’activité, de nombreux licenciements ont lieu, ainsi que des manifestations d’ouvriers. Durant la première guerre mondiale, les UMBL vonttravailler uniquement pour la défense nationale. Mais les difficultés d’approvisionnement et de main d’œuvre (les hommes mobilisés, on recrute massivement femmes et enfants), ne permettent pas aux forges de tourner à plein régime. La modernisation des installations continue cependant
Trignac - La Grande Rue
Forges et Aciéries du Nord et de l'Est (1925 -1931)
La société est au bord du dépôt de bilan. C’est alors qu’interviennent les FANE (Forges et Aciéries du Nord et de l’Est), un des plus grands groupes sidérurgiques français. Les forges sont rachetées en 1925, l’activité redémarre en dents de scie. Cependant, les difficultés demeurent, et après quelques années difficiles, ne pouvant soutenir la concurrence, étant frappée de plein fouet par la crise qui secoue la construction navale, l’usine de Trignac ferme ses portes en janvier 1931. C’est une catastrophe économique pour la région, mais malgré les efforts du maire de Trignac, Julien Lambot pour la réouverture, les années passent… Ce n’est qu’au début de 1939 que les Forges sont réactivées, en raison de la menace du conflit qui se précise.
A partir de juin 1940, les allemands utilisent la production à leur profit. Les ouvriers spécialisés sont envoyés en Allemagne dans le cadre du STO. Dès 1942, l’usine est touchée par les bombardements, celui de mars 1943 occasionne le plus de dégâts, et les forges ferment alors définitivement. A la fin de la seconde mondiale, tout le monde souhaite leur réouverture, mais, trop éloignées des centres d’extraction de minerai, et de charbon, elles sont condamnées irrémédiablement par la patronat. Commence alors leur démantèlement qui s’achèvera au début des années 60.
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