Les caboteurs Montoirins et le charbon Gallois
Du 17e au 19e siècle, Montoir fut, par le nombre de ses marins, une des plus importantes paroisses,puis communes, maritimes du comté nantais puis du département de Loire inférieure. Dans la seconde moitié du 17e et au 18e siècle, ces marins naviguaient le plus souvent au long-cours sur les navires nantais armés pour les Iles d’Amérique. En revanche, à partir de 1815, la paix revenue, une majorité d’entre eux naviguèrent au cabotage : en 1865, sur 1121 marins navigants, 194 naviguaient en Loire, 343 au long cours et 584 au cabotage. Les années 1840-1880 peuvent être considérées comme l’âge d’or du cabotage montoirin. Se développèrent alors, sur les bords du Brivet, rivière qui traverse Montoir, les petits chantiers navals créés au début du siècle précédent. De 1815 à 1880, ils construisirent environ 350 caboteurs pour les très nombreux maîtres au cabotage que comptait alors Montoir : de 1815 à 1900, pas moins de 478 marins montoirins furent reçus maîtres au cabotage. Ce cabotage connut une triple évolution.
La première est l’augmentation régulière et sensible du tonnage des navires construits à Montoir. En 1830, leur jauge moyenne est de 42 tonneaux, en 1860 de 90 tonneaux et en 1875 de 120 tonneaux.
La seconde évolution concerne les destinations de ces caboteurs. En 1830, les ports français de l’Atlantique et de la Manche sont les principales voire uniques destinations : 98 % du total des escales connues ; on ne connaît alors que 3 ou 4 voyages vers la Grande Bretagne. En 1860, les ports français ne représentent plus que 33% des ports touchés par ces caboteurs ; leur principale destination est déjà le Pays de Galles, port de Cardiff principalement, et aussi de Swansea, Newport et Llanelly où ils viennent charger du charbon pour le rapporter en Basse Loire, principalement à Nantes et Saint-Nazaire. En 1875, la part des ports français touchés par les caboteurs montoirins a encore diminué: 14% des destinations connues ; les navires fréquentent principalement les ports de Grande Bretagne, ceux du Pays de galles et, moins souvent, ceux de la région de Newcastle ; on les retrouve aussi dans les ports espagnols et dans ceux d’Italie et de Scandinavie La troisième évolution concerne les cargaisons de ces navires. En 1830, le sel, les grains et le vin restent encore les principales marchandises transportées, comme au Moyen-Age et aux siècles suivants. Trente ans plus tard, en 1860, la France est entrée dans l’ère industrielle : le charbon est la principale cargaison,devant les grains, le plus souvent de l’orge destinée aux brasseries anglaises, et les minerais et métaux
Caboteur en chargement à Cardiff en 1857
Un bon exemple de ces voyages au Pays de Galles est donné par une année de navigation1 de la goélette Le Cheval de Troie, qui jauge 78 tonneaux et dont on peut voir le portrait et la maquette au musée maritime de Montoir. Elle quitte Saint Brieuc le 25 juillet 1862, sur lest, à destination de Cardiff où elle arrive le 9 août ; elle y charge du charbon, en part le 13 août et arrive à Saint-Nazaire le 23 août où elle décharge sa cargaison. Elle remonte ensuite à Nantes où elle charge de l’orge. Elle en part le 8 octobre pour Llanelly ; y arrive le 13 novembre, y charge du charbon, en part le lendemain, 14 novembre, pour Nantes où elle arrive le 23 novembre. Après le déchargement, elle charge des farines pour Swansea. Elle quitte Nantes le 17 décembre et arrive à Swansea le 17 janvier 1863. Elle quitte ce port le 3 février avec une cargaison de charbon pour Nantes qu’elle touche le 20 février. Elle y prend de l’orge et part de Nantes le 2 mars à destination de Gloucester, arrivée le 2 avril. L’orge déchargée, elle part sur lest le 11 avril pour Cardiff où elle arrive cinq jours plus tard. Elle y charge à nouveau du charbon et quitte le port gallois le 25 avril à destination de Palma de Majorque (Baléares) où elle est le 17 mai ; elle quitte ce port sur lest le 29 mai pour Marseille où elle charge du noir animal destiné aux raffineries de sucre de Nantes qu’elle rejoint le 7 août 1863.
On voit ainsi que les ports gallois sont la principale destination des caboteurs montoirins à cette époque. On aurait pu multiplier de tels exemples car de telles navigations sont très fréquentes chez les caboteurs des autres ports de la région nantaise, principalement ceux de Trentemoult, près Nantes.
A noter que les caboteurs ne sont pas les seuls à toucher les ports gallois. Les trois mâts nantais y viennent assez souvent charger du charbon avant de partir vers des ports de l’Océan Indien : îles Maurice et Réunion, Inde. Pour la seule année 1860 on peut ainsi citer les exemples des trois mâts nantais Aglaé, Laurence, Céline, Alphonse Irma. Il arrive que le charbon gallois aille encore plus loin : en juillet 1862 le trois mâts nantais Anne de Bretagne, 459 tonneaux, quitte Nantes sur lest pour Cardiff où il charge du charbon qu’il conduit ensuite à Manille (Philippines).
Ces voyages des caboteurs à voile du pays nantais vers le charbon gallois ne durentguère au-delà de1880. A partir des années 1860, ces voiliers caboteurs sont de plus en plus soumis à la redoutable concurrence des cargos à vapeur. Ces derniers mettent 2 à 3 jours pour aller de la Loire à Cardiff alors que pour les voiliers la durée de la traversée est plus longue et varie considérablement selon les conditions atmosphériques : pour un même caboteur montoirin, la traversée la plus courte entre Nantes et le Pays de Galles est de 6 jours, la plus longue dure 45 jours. En un seul voyage, beaucoup plus rapide, les cargos à vapeur transportent six à dix fois plus de charbon. Les premiers cargos britanniques chargés de charbon gallois entrent à Saint Nazaire dès l’ouverture du premier bassin, en 1857. Les premiers cargos français apparaissent environ trois décennies plus tard : en 1884, le cargo français, le Jules Chagot, fait, en une année, 42 rotation entre Saint Nazaire et Cardiff, 30 fois, Swansea, 7 fois, et Sunderland, 5 fois.
Les chantiers navals montorins ferment en 1880 ; les nombreux caboteurs vieillissent, disparaissent et ne sont pas remplacés. La fin du 19e siècle marque quasiment la fin de la marine en bois et à voile
Reconstitution du naufrage du Tacite
Cette reconstitution du naufrage du Tacite tel qu’il aurait pu se passer (Cf précédente lettre...
L'eau à bord des navires
L’eau à bord des navires : Comment avoir de l’eau douce et potable sur les océans avant 1850 ?Le...
Les mousses de Brière
Les Mousses de Brière au 17ème et 18ème siècle.Au 17 et 18ème siècle les hommes étant partis...
De marins à esclaves
Le sort peu enviable de quelques marins de Montoir1702, Denis Leprestre, natif de Montoir, meurt...
1942 : le massacre des apprentis
Le massacre des apprentis des chantiers le 9 novembre 1942En ce lundi 9 novembre 1942, le soleil...
Estienne Chaillon
Estienne Chaillon, une personnalité MontoirineEstienne ( Étienne) Chaillon, est né le 8 avril...