John Scott de la marine en bois aux navires en fer
Saint Nazaire au début du XIXème siècle n’est qu’une petite bourgade de quelques centaines d’habitants nichée sur la rive droite de l’estuaire de la Loire. La plupart des hommes sont pêcheurs ou pilotes. Sur le territoire de la commune de Montoir, existent des chantiers de construction de navires en bois, à Rozé et Méan, construisant des chasse marée, bricks, goélettes, lougres, chaloupes…
En 1836, le projet d’un avant port à Saint Nazaire, déjà envisagé par Napoléon 1er en 1808, est repris par une partie de la bourgeoisie nantaise, le projet d’un canal latéral à la Loire étant également à l’étude. En 1840, l’état institue Saint Nazaire point de départ d’une ligne de paquebots transatlantiques. Le creusement du premier bassin à flot, commence en 1847, de même que la construction du chemin de fer Nantes Saint Nazaire. Le premier navire entre dans le port encore inachevé (il ne le sera qu’en 1867) le 25décembre 1856 .La voie ferrée Nantes Saint Nazaire est inaugurée le 10 août 1857. Saint Nazaire, est toujours, selon les bourgeois nantais considérée comme l’avant port de Nantes.
Emile et Isaac Pereire fondent, avec l’appui de Napoléon III, la première banque d’affaires, le crédit mobilier. Ils créent ensuite entre 1859 et 1861, la compagnie générale transatlantique, (CGT) dont le crédit mobilier détient 50% des actions et qui exploite dès 1862 la ligne des Antilles au départ de Saint Nazaire. Le 14 avril 1862, le paquebot « La Louisiane » quitte la ville en liesse, en direction de Fort de France et Véra Cruz. Au cours de la même année, « Louisiane » et « Floride » effectuent 18 voyages aller et retour, transportant voyageurs et troupes françaises vers le Mexique. Le trafic augmente au cours des années suivante
Emile et Isaac Pereire
Aucun chantier français n’est encore capable de construire de grands navires en fer qui fassent appel aux nouvelles technologies. Les anglo-saxons possèdent dans ce domaine une avance certaine . Rappelons que le Great Eastern, aux dimensions colossales pour l’époque (211 m de long, 25 m de large) a été lancé en 1857 sur la Tamise. C’est ce paquebot qui inspirera d’ailleurs à Jules Verne le roman « une ville flottante », après que l’écrivain ait voyagé à bord en 1867. Les frères Pereire font donc appel à la compagnie de l’ingénieur écossais John Scott (1830/1903, 32 ans à l’époque), en commandant tout d’abord en 1861 trois paquebots aux chantiers de Greenock, en Ecosse, puis décident de créer à Saint Nazaire un chantier de construction navale sur la presqu’ile de Penhoët. C’est tout naturellement la firme de Scott quiest choisie.
. Sur le territoire de la commune de Montoir, existent des chantiers de construction de navires en bois, à Rozé et Méan, construisant des chasse marée, bricks, goélettes lougres, chaloupes, et employant une main d’œuvre spécialisée, qui va tout naturellement pour partie se diriger vers les chantiers Scott, abandonnant la construction des navires en bois pour se lancer dans celle des navires en fer.
En tète de lettre Chantier John Scott
Mais il faut remarquer que l’activité des chantiers construisant des navires en bois se poursuivra pendant la période d'ouverture des chantiers Scott, et même au-delà. En effet, à Rozé, la dernière chaloupe est construite en 1875 A Méan, Le chantier Mahé construit son dernier navire, le lougre La Lucie, en 1873. Le chantier Lamort construit un sloop, le Saint Charles et Joseph , en 1875 mais on ne connaît pas la date d’arrêt de l’activité pour ce chantier. Quant au chantier Ollivaud, il construit son dernier brick goélette, le Guillaume Tell, en 1884 et subsistera jusqu’en 1888. A la fin du XIXème, il est encore nécessaire de construire des navires en bois de petit ou moyen tonnage, ne serait-ce que pour le cabotage. Les chantiers Scott s’installent à Penhoët en 1862 avec 4 cales. L’entreprise emploie 1800 ouvriers dirigés par 15 contremaîtres écossais. Les ouvriers des chantiers de Méan et Rozé, charpentiers de marine, calfats, voiliers, passent sans peine du travail du bois au travail du fer.
Les chantiers Scott en 1863
Le premier bateau, « l’impératrice Eugénie », est lancé en 1864.C’est un navire à propulsion mixte, avec des voiles et des chaudières à vapeur, actionnant des roues à aubes. De dimensions beaucoup plus modestes que le Great Eastern, il mesure 105 m de long pour 13 m de large. De 1862 à 1866, le chantier Scott va livrer 8 bateaux postaux pour la CGT,dont « la France » et le « Nouveau Monde » en 1865, ainsi que divers bateaux en fer, à voile ou à vapeur, pour l’état, et diverses compagnies. . Il effectue également de nombreuses réparations dans l’écluse à sas entre les deux bassins (le bassin de Penhoët est alors en construction et les cales de radoub n’existent pas encore). Le quartier de Penhoët se développe au détriment de Méan qui perd peu à peu de son prestige maritime. En 1865, l’ensemble Méan Penhoët regroupe 264 maisons et 2524 habitants. La plupart des hommes sont ouvriers aux chantiers navals mais administrativement dépendent de Montoir. Cette situation compliquée entraîne le rattachement de Méan à Saint Nazaire en 1865.
L'Impératrice Eugénie
La même année, le chantier John Scott fait ériger pour ses ouvriers une cité de 32 maisons composées de 2 chambres et d’une cuisine, équipées de WC, groupées en pavillons par 4 ou 8. Elles sont bâties selon le modèle idéologique dominant à la fin du XIXème siècle, et déjà existant en Angleterre, délaissant l’habitation collective pour tendre vers la maison mono familiale, en l’occurrence dans ce cas des maisons individuelles superposées. On ne peut affirmer que ces maisons constituaient l’amorce d’un programme plus ambitieux, car on ne connaît ni les volontés ni les intentions de Scott, mais ces maisons constituent la première initiative patronale à Saint Nazaire pour loger des ouvriers. On peut simplement rappeler l'adhésion aux idées socialisantes de Saint Simon des frères Péreire, commanditaires du chantier Scott. Quoiqu’il en soit, la fermeture rapide des premiers chantiers de construction navale en fer nazairiens met un terme à ces constructions.
Les maisons Scott à Penhoët,
Ces maisons seront par la suite reprises par la Compagnie Générale Transatlantique Mais il faudra attendre 50 ans pour que la Société d’habitations à bon marché créée par le chantier de Penhoët n’entreprenne leur remise en état. Elles seront détruites au cours des bombardements de 1943.
En 1866, la crise des chantiers navals se précise, le nombre d’ouvriers passe de 2000 à 800et la faillite des chantiers Scott est officielle en 1867. Les travaux du deuxième bassin et les ateliers de réparation de navires de la CGT permettent encore de maintenir pour quelque temps une activité quasi normale à Saint Nazaire.
Cette faillite est à mettre en relation avec la crise qui sévit alors en Angleterre, et qui a des répercussions sur les grandes banques françaises, particulièrement le crédit mobilier des frères Péreire, qui seront contraints de démissionner, y compris de la CGT.Dès lors, Saint Nazaire végète. La société de l’océan, qui remplace la société des chantiers Scott, construit un bateau, le « ville de Brest », premier bateau à deux hélices, en 1869, avant de faire faillite à son tour en 1870.
Ces fermetures, curieusement, n’entraînent que peu de manifestations. L’absence de toute tradition ouvrière, la mobilité de la main d’œuvre et les variations des effectifs ouvriers constituent des obstacles à toute tentative d’organisation. La plupart des hommes employés aux chantiers sont des ouvriers-paysans, recrutés sur place. Dès qu’ils cessent le travail, ils repartent vers leur famille et leurs champs de Brière, qui leur procurent des moyens d’existence complémentaires. Vivant en milieu fermé, ils ne ressentent pas le besoin de s’organiser. Cependant, cette situation de marasme entraîne la misère pour beaucoup d’ ouvriers et leurs familles, la seule activité subsistante étant les travaux du deuxième bassin . Celui-ci sera inauguré le 9 mai 1881 en présence de Sadi Carnot.
Il faudra attendre 1879 pour voir le renouveau économique s’instaurer dans la région nazairienne avec la création des forges de Trignac, suivies en 1881 de l’ouverture des chantiers de Penhoët et de la Loire
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