L'histoire de la carotte
A propos de Daucus carota –la carotte.
A l’occasion de la création du jardin médiéval des Caves à Montoir-de-Bretagne, parmi les nombreuses questions préalables à sa mise en place, deux étaient sur le choix des plantes qui pourraient y figurer. La première était liée aux espèces à retenir, car la date de référence était la mort d’Anne de Bretagne en 1514, la seconde aux variétés et cultivars qui pourraient être présentés à retenir. Si la carotte est retenue, sa petite histoire montre toute les ambiguïtés, les dérives sémantiques portées par les mots comme légumes anciens, légumes tombés dans l’oubli, vieilles variétés, variétés traditionnelles, variétés locales, semences paysannes, goût authentique, sans parler de sauvegarde de notre patrimoine naturel et culturel, autant de mots, d’expressions rarement explicités, dont il est souvent difficile de cerner la réalité qu’ils portent ou qu’on veut bien leur faire porter.
La carotte, Daucus carota (famille des Apiacées, ou Ombellifères) avec trois sous-espèces spontanées, ssp. carota, ssp. commutatus, ssp. drepanensis, fait partie des quelques plantes alimentaires dont l’origine sauvage est de ‘chez nous’. C’est une plante bisannuelle qui se développe dans les prairies naturelles et bas-côtés des chemins. Bien qu’il faille toujours être prudent lors de la récolte de plante de la famille des Apiacées, – certaines espèces étant très toxiques – la carotte sauvage se distingue grâce à des tiges et des feuilles couvertes de pilosité et possède l’odeur caractéristique de la carotte.
C’est donc sur ces plantes sauvages que les hommes ont commencé à prélever des racines, puis à les mettre en culture et ainsi très progressivement à améliorer les qualités gustatives de la racine et à sélectionner des racines de couleurs différentes. Mais pendant de longs siècles la carotte sauvage fut un aliment recherché pour les animaux domestiques comme les vaches, les moutons, les chevaux ou les cochons.
Au Moyen-Age, la carotte ne figure pas parmi les légumes-racines les plus prisés et dans de nombreuses régions françaises l’ambiguïté nait du nom donné qui est pastenade, issu directement du latin pastinaca qui correspond à la fois à la carotte et au panais. A la fin des années 1970, plus d’une cinquantaine de noms locaux existaient en France pour désigner la carotte sauvage dont c’hwibanez (Finistère), panez-moc’h (Bretagne), quotechue, en Basse-Loire, Pays de Retz, Bas-Poitou.
Les plus anciennes variétés connues sont longues et pointues avec des couleurs diverses. Au XIXe siècle, en France on préfère la jaune, mais la blanche craint moins l’humidité. En Hollande, la rouge est la plus recherchée, tandis que les Anglais privilégient la carotte orange !
Quelques extraits d’ouvrages parlant de légumes
1600 – Olivier de Serres : Les pastenades et carottes, ne diffèrent que par la couleur : l’un est rouge et l’autre blanche, « de fait en Languedoc et ailleurs n’appellent autrement les carottes que pastenailles blanches ».
1715 – La Quintinie : « Carottes, sorte de racine, les unes blanches, les autres jaunes ».
1784 – Bon jardinier : Carotte, Daucus carota. « On en cultive de trois couleurs, la rouge, la jaune & la blanche. »
1839 –Le Bon jardinier : Carotte, Daucus carota ; les principales variétés sont de couleur rouge, jaune et blanche. Une variété violette est citée. « Les carottes rouges ont en général le goût plus relevé que les jaunes et les blanches. »
1888 – Vilmorin : Dans son album de clichés, 24 variétés de carottes sont inscrites en grande majorité des carottes rouges, 4 sont blanches et une seule jaune : Quelques noms de variétés avec des lieux régionaux : demi-longue nantaise, demi-longue de Saint-Brieuc – demi-courte obtuse de Guérande, etc.
2002- le Truffaut : Carotte, Daucus carota. « Commune au bord des chemins dans toute l’Europe. »
Une petite expérience de sélection de la carotte sauvage
Le Bon jardinier de 1864 cite l’expérience ayant pour objectif l’étude de l’amélioration et de la transformation de la carotte sauvage en plante alimentaire. L’auteur rapporte qu’en trois générations, les carottes obtenues ont l’apparence des carottes du jardin avec « une chair un peu plus compacte, leur saveur plus douce ; elles ont été trouvées supérieures aux anciennes variétés. » Au fur et à mesure des semis, il a « vu successivement sortir de cette souche presque toutes nos anciennes variétés », avec les diverses couleurs des racines depuis les blanches, jusqu’aux rouges en passant par les jaunes et les lie de vin.
Quelques expressions et dictons populaires incluant le mot carotte
Expressions et dictons ne remontent guère au-delà du milieu des années 1850 et, dans l’ensemble, ne rehaussent guère la carotte dans le panthéon des légumes !
- La « carotte », feuilles de tabac roulées en forme de carotte destinées aux chiqueurs, devenu le nom de l’enseigne des bureaux de tabac.
- « Tirer une carotte à quelqu’un » lui extorquer quelque chose en le trompant. Que l’on retrouve dans le verbe ‘carotter’ !
- « Jouer la carotte », jouer mesquinement, avec prudence.
- Le mot carotte devient un adjectif dans « Poil de Carotte », qui dans le roman de Jules Renard, Poil de carotte, 1893 était le « nom d’amour à son dernier né, parce qu’il a les cheveux roux et la peau tachée ».
- « Les bœufs carottes », la police des polices car elle fait mijoter leurs collègues lors des auditions.
- « Les carottes sont cuites » pour indiquer que c’est la fin. Ce fut le messsage codé avant le débarquement du 5 juin 1944.
- « La carotte ou le bâton », viendrait de l’expression anglaise « The carrot or the stick » et ne serait attestée en France qu’en 1966. Cela fait référence aux deux méthodes pour faire avancer l’âne !
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